Article n°6: Traitement de l’information lors d’un combat

Traitement de l’information lors d’un combat – la base logique de toutes les actions dans une systématique de combat

Dans ce sixième article Sifu Marcus SCHÜSSLER propose une élaboration des relations logiques entre traitement de l’information et les mouvements dans un combat dont le concept de la ligne centrale de combat est le résultat.

Concernant la logique des mouvements en matière d’autodéfense sans armes, un préalable doit être accepté : la loi mathématique selon laquelle la ligne droite est le chemin le plus court pour relier un point à un autre.

Avec quel organe sensoriel appréhendez-vous une attaque?

La première question qui peut vous être posée pour récapituler vos propres conceptions est : avec quel organe sensoriel appréhendez-vous l’approche d’une attaque?

Tout naturellement, vous répondrez: «avec les yeux»! Tout à fait correct.

Wing Chun Wing Tsun Kung Fu Lyon

Mais pourquoi justement avec les yeux? Il est évident que le sens du goût ou le sens de l’ouïe n’entrent guère en considération. Si vous goûtez le poing adverse, c’est que vous êtes déjà touché! Si vous entendez le choc, c’est que le poing vous a déjà atteint (Un bras en mouvement ne s’entend pas!)! Pure logique!

Nous utilisons les yeux pour détecter une attaque, car eux seuls nous offrent la possibilité de connaître une distance en profondeur. Comme l’homme voit en trois dimensions, il peut estimer approximativement quelle distance (en m) le sépare de son opposant. Par une conversion automatique effectuée par le cerveau nous recevons, lors de la phase de réaction, une grandeur physique simple: une valeur/un laps de temps permettant l’analyse de l’attaque.

Dans la physique, le chemin et le temps sont toujours des grandeurs associées. Cela signifie qu’un certain temps (t) est nécessaire pour déplacer une certaine masse (m) d’une certaine distance (s). Dès que le cerveau a reconnu approximativement la distance, il calcule inconsciemment cette valeur/ce laps de temps pour la phase de réaction et communique une estimation du temps existant entre le début de l’attaque et l’impact.

Traitement de l’information lors d’une attaque

Le cerveau a besoin d’une phase de traitement de l’information pour déterminer les composantes de l’attaque :

– d’abord pour analyser la situation

– et ensuite pour en déduire la meilleure solution.

Ce processus, qui suppose un maximum d’informations exactes, se base sur le besoin humain de réagir de façon la plus adéquate possible à chaque situation.

Cette valeur de temps/laps de temps pour la phase de réaction se calcule à partir des phases suivantes:

Phase 1: Analyse visuelle et enregistrement des principales informations à l’intérieur d’un espace temps limité;

Phase 2: Comparaison entre les paramètres déterminés lors de l’analyse et les possibilités existantes (schémas de réaction acquis par entraînement);

Phase 3: Recherche d’une décision sur la base de points de vue tactiques;

Phase 4: Exécution de la décision.

D’une façon général chaque phase ne dispose que d’une portion limitée de la totalité du temps et chaque phase peut réclamer plus ou moins de temps. L’ensemble du déroulement de toutes les quatre phases constitue le temps de traitement de l’information.

Traitement de l’information et déroulement du temps

Passez maintenant mentalement en revue les quatre phases ci-dessus. Posez-vous honnêtement la question de savoir si, en l’espace d’une fraction de seconde, vous seriez en mesure d’exécuter, avec succès et précision, ce processus lors d’une attaque dont vous ignorez la direction, la force, la vitesse…

Une activité du quotidien, regarder la télévision, vous montre que le processus décrit ci-dessus n’est pas réalisable. Quand vous êtes assis devant le téléviseur et que vous regardez un film vous voyez certes un film (scènes animées), mais en réalité ce sont des images individuelles qui sont reproduites à haute fréquence (nombre d’images par seconde) les unes après les autres.

Pour simplifier la compréhension: un téléviseur à la fréquence de 100 Hz produit cent images différentes l’une après l’autre en une seconde.

Wing Chun Wing Tsun Kung Fu LyonComme le bon vieux folioscope.

Bien que cela soit impossible, mais grâce à une capacité «bionique», supposez que vous puissiez stopper l’image numéro 56 devant votre œil mental pour l’analyser et l’évaluer comme une image immobile. Le processus d’analyse et d’évaluation durera plus longtemps que l’apparition de l’image car vous avez tout simplement besoin d’un temps X pour le traitement alors que la série d’images se poursuit. Si donc vous pouviez arrêter l’image numéro 56, la séquence d’images serait peut-être arrivée au numéro 70 quand vous aurez fini votre évaluation.

Wing Chun Wing Tsun Kung Fu Lyon

Mais la validité de la décision à l’instant 70 se base sur le contenu de l’image 56, et n’est donc plus valable, car l’image 70 est précisément une autre image (contenant une information différente).

Maintenant le processus recommence au début car l’image 56 n’est plus actuelle et vous n’avez pas pu utiliser le résultat (ou alors, seulement en acceptant le risque lié à l’utilisation de l’information d’une autre image!). Si vous continuez la même procédure pour l’image numéro 70, vous vous retrouvez peut-être à la fin de votre évaluation à la position de l’image 90 (les bonds postulés ici sont arbitraires et ne veulent refléter que la systématique).

Dès que vous essayez de fixer optiquement une situation en mouvement pour l’évaluer en détail, vous glissez fatalement dans cette boucle perpétuelle d’analyse et d’évaluation sans jamais obtenir un quelconque résultat ; c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de réagir correctement et en synchronisation dans le rapport 1:1 avec l’événement proprement dit. Quel dommage!

Appliquons maintenant l’exemple ci-dessus à une attaque qui nous vient en trois dimensions. Dès que vous essayez d’appréhender l’attaque avec l’œil (le seul organe des sens permettant d’apprécier les profondeurs), vous devez l’arrêter devant votre « œil mental » comme une photographie instantanée. Or, pendant l’analyse et l’évaluation l’attaque continue en même temps de progresser dans votre direction.

Dès lors, le point d’ancrage où vous avez pris mentalement la photo est déjà caduc car il est mentalement fixé. L’identification et l’évaluation de cet instant particulier cessent donc d’être valables dès que le poing s’est déplacé, ne fût-ce que d’un millimètre. Mentalement, vous êtes contraint entre-temps de prendre une nouvelle photo. Or pendant l’évaluation, le poing continue de se déplacer. Il est évidemment impossible de rattraper ce mouvement par l’analyse. Avec l’analyse et l’évaluation, l’œil ne peut pas suivre le rythme du coup de poing et ainsi, l’attaque vous atteint fatalement sans possibilité de défense, sans compter le stress que déclenche cette situation menaçante!

Par le stress, les performances du cerveau se font encore plus lentes. Si la personne agressée a en plus de mauvais yeux, porte des lunettes ou est âgée, elle a un problème supplémentaire.

Maintenant, une question se pose: voulez-vous parer de cette façon une attaque/une vague d’attaques qui ne manquera pas de vous blesser?

Les seules défenses encore possibles sont :

1. soit de prendre la fuite,

2. soit de diriger en panique toutes les forces corporelles contre l’attaque, sans possibilité consciente de viser.

Ni l’une ni l’autre n’appliquent une gestion de l’agresseur ou ne parent le danger.

Brève analyse de risque de l’option «fuite»:

La notion de fuite ne signifie rien d’autre que d’engager une course et de ne pas vouloir être rattrapé par l’auteur de la menace. Comment cela se présente-t-il dans le détail?

Pour atteindre la vitesse de fuite maximale nécessaire, l’individu doit se déplacer dans le sens de la course. L’attaque contraint le fuyard à augmenter la distance entre lui et l’assaillant. Il réalise donc des pas en arrière, car l’attaquant est devant lui. Le temps qui reste suffit tout au plus pour deux pas en arrière avant que l’attaquant ne le suive. Ensuite, le fuyard doit se tourner de 180° pour être dans la bonne direction et pouvoir entamer un sprint de fuite. Apparaît alors le problème suivant: comme il est en état de panique, il peut ne pas gérer la présence d’obstacles sur son chemin et peut tomber. Pour éviter cela, après un volte-face de 180°, le fuyard doit d’abord explorer des yeux son environnement, traiter mentalement les informations, puis décider dans quelle direction il doit fuir. Pendant ce temps, il ne peut pas bouger car le cerveau ne lui a pas encore donné le feu vert pour son sprint tant qu’il ne connaît pas la direction de la fuite. C’est précisément ce temps dont l’attaquant dispose pour continuer de s’approcher, et ce, dans le dos du fuyard qui ne peut pas le voir. Situation dangereuse dont le risque reste toujours incalculable!

Brève analyse du risque de l’option de défense en état de panique avec mise en œuvre de toutes les forces corporelles disponibles:

Ici, il y a deux possibilités: la défense passive et la défense active.

Dans la défense passive, l’agressé prend une posture de pure protection. Il retient sa respiration et se recroqueville, les bras couvrant la tête et le corps contracté au maximum, pour résister à l’attaque autant que possible.

Mais comme en général l’attaquant est plus puissant, la protection musculaire ne suffit pas. En effet, une contraction maximale ne peut être conservée que peu de temps. L’agressé est donc bientôt contraint de détendre de nouveau son système musculaire car il a besoin d’une phase de régénération et doit reprendre son souffle pour pouvoir recommencer à se protéger. C’est justement dans cette phase de détente que le corps est sans défense et peut être terrassé!

Dans la variante active, l’agressé essaye de parer l’attaque toujours avec une extrême contraction de ses muscles. Là encore, la contraction ne peut être maintenue. Les «munitions» s’épuisent et, sans réserve, l’agressé doit se détendre. Dans la phase de détente (ou de «récupération»), la menace demeure et une nouvelle attaque peut intervenir.

Dans ces deux variantes, le risque est très grand!

Traitement de l’information par des schémas

Par entraînement, certaines approches didactiques tentent de construire des schémas fondés sur l’expérience (l’anticipation par exemple) qui doivent être rappelées en une fraction de seconde. Ce sont des schémas de réaction exercés par un entraînement qui sont rappelés dès que semble se dessiner la réalité d’une situation (réaction à des «silhouettes», «l’œil du boxeur»). Ils sont rigides, toujours identiques et ne s’adaptent pas aux différentes situations. Partant de caractéristiques prédéfinies, le cerveau doit commencer par vérifier la coïncidence avec plusieurs schémas. Cela prend toujours du temps. De plus, la probabilité que l’attaquant achève le mouvement esquissé jusqu’à son terme n’est pas de plus de cinquante pour cent (comme dans un jeu de hasard) ce qui modifie la situation.

Traitement de l’information par la vision et la détection tactile

En résumé, l’œil en tant qu’organe de vision n’est utilisable que lorsqu’il s’agit de localiser une source de danger. L’analyse précise des détails doit être confiée à un autre organe des sens capable de délivrer des informations plus précises et plus étendues : la détection tactile, en d’autres termes le sens du toucher. Aucune attaque ne doit lui échapper. Il doit pouvoir développer tous les concepts tactiques et stratégiques appropriés.

Cette approche est nouvelle et, dans l’autodéfense, il faut donc construire une nouvelle tactique et une nouvelle stratégie. Elles constituent le principe fondamental de la ligne centrale de combat du Wing Tsun, ainsi que du principe de Zoning/«protection de zone» de l’Escrima.

Ces deux principes se complètent et se renforcent dans leur fonction. Les deux se basent sur des schémas de mouvement continus simples, qui contrôlent en permanence l’espace tridimensionnel face à nous et qui est en même temps dirigé contre l’agresseur.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *