Article 9: Sans force signifie t’il sans pression?

Pourquoi l’idée d’une pratique du Wing Tsun et de l’Escrima sans force est-elle si séduisante? Pourquoi succombe t’on si facilement à la méprise d’un Wing Tsun/Escrima sans pression?

L’histoire de «David contre Goliath» peut expliquer la structure de base de tout art martial logique.

Wing Chun Kung Fu LyonAppréciation visuelle d’un agresseur et conséquences psychiques

On comprend facilement que face à un individu susceptible d’être violent et qui nous est visuellement physiquement supérieur (plus fort, plus grand, plus violent) la situation apparaît sans espoir. La conséquence de cette perception visuelle nous place dans un engourdissement qui diminuera/paralysera toute action impactant en premier le psychisme puis causant ensuite une incapacité physique d’agir.

Une analogie avec le règne animal est possible. Lorsqu’un prédateur, comme le tigre, chasse des proies plus petites que lui il agit seul. S’il s’attaque à des proies plus grosses, il va agir en meute. On n’a en effet rarement observé un tigre seul s’attaquer à un éléphant car la perception visuelle de la supériorité physique l’amène à choisir ses proies.

Compensation de la force et de la supériorité de l’agresseur

Confrontés à un agresseur plus puissant, les moyens et forces corporels dont nous disposons ne sont guère à la hauteur. L’agresseur surpuissant a la possibilité d’utiliser tous les moyens à sa disposition. De ce fait, il est logique pour la victime de chercher à compenser les moyens supplémentaires de l’agresseur par une manœuvre judicieuse, ou mieux encore, de les annuler le plus complètement possible.

Dans ce cas, le seul moyen probant s’appelle «technique». «Technique» signifie ici spécifiquement le moyen d’inactiver un agresseur physiquement supérieur, quand la situation l’exige, en utilisant nos seules ressources corporelles disponibles.

Comment doit être structurée cette technique?

  • Il ne doit pas être nécessaire de s’adonner à un entraînement musculaire visant à accroître seulement sa force, car elle déclinera de toute façon avec l’âge et il serait donc risqué de s’y fier.

  • Il ne doit pas être nécessaire de s’adonner à un entraînement musculaire visant à accroître seulement sa force, car l’agresseur dispose d’un potentiel de force encore supérieur

  • Cette technique doit établir une stabilité intérieure.

  • Cette technique doit permettre d’exploiter tout ou partie du potentiel de force de l’agresseur à son profit et contre ce dernier.

  • Cette technique doit permettre à la victime d’additionner son propre potentiel au potentiel de force prélevé sur l’agresseur.

Quand on considère ce rapport des forces, on remarque que le but final de cette technique est précisément de s’abstenir de développer et d’appliquer un surplus de force, car ce dernier ne suffirait en aucun cas à neutraliser l’agresseur. Le but est d’exploiter les ressources de force dont nous disposons de façon si optimale que moyennant des mouvements appropriés, on pourra annuler le surcroît de force de l’agresseur.

Cette capacité d’affaiblissement/d’annulation de l’attaque constitue précisément l’objectif de cette technique. Or, en pratique, on interprète souvent cette «capacité» comme une «absence de pression». D’où cela vient-il et quels en sont les effets?

Erreur d’interprétation et absence de pression.

Par affaiblissement/annulation, on désigne l’aptitude à provoquer avec ses ressources musculaires un volume de mouvement dynamique faisant naître une haute énergie cinétique capable de rivaliser avec l’attaque. Ce mécanisme est tout à fait possible mais doit être exercé longuement et assidûment.

Que se passe-t-il alors lorsque dans un combat/frappe, n’importe quelle partie du corps convenablement accélérée rencontre un obstacle? Il en résulte un rapport de pression qu’il convient d’analyser et d’exploiter.

C’est ici que s’ancrent de nombreuses erreurs d’interprétation: la capacité d’annulation/d’affaiblissement est figurée – démontrée comme une forme d’absence de pression, censée suggérer la «douceur» d’une technique.

Cependant, quand deux corps ayant été accélérés dynamiquement l’un à la rencontre de l’autre se percutent: l’un des deux corps se retrouve-t-il sans pression? Ça n’est guère probable, car cela ouvrirait à l’autre une brèche pour poursuivre son intrusion.

Wing Chun Kung Fu LyonPour l”illustrer, imaginons deux taureaux en pleine course l’un vers l’autre. Les deux ont fortement accélérés. Si maintenant l’un des deux veut annuler sa pression, il doit logiquement prévoir à l’avance comment il pourra éviter le contact, par exemple par un retrait ou un déplacement latéral. Mais alors, reconnaissant la tactique, l’autre ne poursuivra plus sa ligne mais s’efforcera aussi de réorienter son action jusqu’à rétablir le contact rompu. Ensuite, quand les corps se percuteront, il y aura pression.

Cela signifie qu’une préparation à une absence de pression représente tout simplement la tentative d’éviter un contact. Or, un combat ne peut pas s’effectuer sans contact car même un coup porté à sa cible induit une relation de pression! Existe t’il des coups portés qui touchent sans pression?

Ce défaut d’interprétation de la notion de «sans pression» provient d’une forme de technique souvent représentée visuellement «douce». On reçoit un coup de poing et on l’encaisse «en douceur». Visuellement, cela donne l’impression que le poing percute une paroi de caoutchouc d’une extrême flexibilité. Cette idée de base est d’ailleurs correcte, mais elle est souvent présentée sous une forme exagérée. En effet, aucun assaillant réaliste n’attendra que la pression de son attaque soit neutralisée; il s’efforcera au contraire de maintenir la pression de son attaque ou même de l’accroître encore.

Dans l’apprentissage, c’est précisément là qu’intervient une composante humaine qui rend cette «douceur excessive» si appréciée: l’évitement d’un sentiment de menace constante.

Une pression constante signifie une menace constante, pour l’un comme pour l’autre. Mais lorsque l’on apprend un nouveau système d’art martial, ce sentiment n’est pas agréable et l’on s’efforce de l’éviter. Cela rend psychologiquement séduisante cette «douceur irréaliste et excessive». Or, cela constitue un biais dans l’enseignement et peut amener à un apprentissage biaisé. L’entraînement doit permettre d’apprendre à gérer l’ensemble du spectre des forces en plaçant l’élève face à toutes les situations de l’absence de pression à sa présence massive.

Moyennant une assistance pédagogique appropriée, il est relativement facile de se familiariser sans peur avec cette pression/menace constante et de se reconnaître plus tard soi-même comme source d’un tel potentiel de menace de pression, pour maîtriser une situation de violence. Cette préparation et cet apprentissage s’appliquent aussi aux composantes psychologiques liées à ce contexte.

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